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Forêt française : comment faire face aux défis du changement climatique et créer des emplois de qualité ?

La forêt française, un atout majeur pour notre pays, est confrontée à d’importants défis liés au changement climatique. Comment concilier la préservation de cet écosystème fragile avec le développement d’une filière bois dynamique et créatrice d’emplois de qualité ? Pour la CFDT Agri-Agro, transition écologique juste , structuration de filière et dialogue social sont les conditions de réussite.

La gestion forestière au défi du changement climatique 

Mise à mal par le changement climatique, la forêt française, pourtant quatrième forêt d’Europe, voit sa santé se dégrader à grande vitesse

Sécheresses récurrentes, attaques d’insectes et incendies , difficultés sur les nouvelles plantations , mettent à mal cet écosystème essentiel. Conséquence directe : une capacité de stockage du CO2 divisée par deux en seulement dix ans, compromettant ainsi le rôle crucial de la forêt dans la lutte contre le réchauffement climatique. Certains massifs forestiers comme en Grand Est sont émetteurs nets aujourd’hui ! Cette situation a des répercussions importantes non seulement sur l’environnement, mais également sur l’économie forestière et la sécurité des travailleurs. 

La transition écologique juste : un choix incontournable

Face au changement climatique, la forêt française subit de lourdes pertes : 10 à 15 % de sa superficie est gravement endommagée et nécessite un renouvellement urgent. Le plan « 1 milliard d’arbres » , lancé par le gouvernement en 2022 pour 10 ans, témoigne de l’importance accordée à la régénération forestière. En tant que puits de carbone majeur, la forêt joue un rôle crucial dans la lutte contre le réchauffement climatique. Pour maximiser son impact, il est essentiel de privilégier les produits bois à longue durée de vie tels que les bois d’œuvre et les matériaux biosourcés, tout en limitant l’utilisation du bois énergie à un rôle de sous-produit. Cette gestion forestière durable soulève cependant des questions complexes, notamment quant à l’équilibre entre exploitation et préservation. La nouvelle stratégie nationale bas carbone de la France doit être mise en œuvre avec prudence sur les usages du bois, en adaptant les pratiques forestières aux spécificités de chaque territoire. 

L’emploi de qualité : une condition d’avenir pour la forêt 

Le manque de main-d’œuvre, un frein majeur au renouvellement forestier

L’ambitieux objectif de planter un milliard d’arbres en France se heurte à une réalité : la pénurie d’ouvriers sylviculteurs. Tous les acteurs de la filière forestière s’accordent à dire que l’attractivité des métiers forestiers est en berne, malgré l’importance cruciale de la forêt dans la lutte contre le changement climatique. 

Pour répondre aux enjeux de la transition écologique, il est urgent de renforcer les effectifs, notamment dans les secteurs de la sylviculture, de l’exploitation forestière et du sciage. Les entreprises de travaux forestiers, qui assurent l’essentiel des opérations sur le terrain, sont particulièrement concernées. 

Un rapport de la Cour des Comptes a d’ailleurs mis en évidence les conséquences des réductions d’effectifs au sein de l’Office national des forêts, qui peine désormais à mener à bien ses missions de gestion forestière. La perte de compétences, notamment chez les ouvriers forestiers, compromet la réussite du plan de renouvellement forestier. 

Le secteur forestier doit investir dans la revalorisation de ses métiers pour redevenir attractif 

Un premier facteur d’attractivité et de proposer une rémunération juste et équitable. Puis de reconnaitre le travail par des perspectives d’évolution de carrière dignes de ce nom. Les différentes branches du secteur forêt bois ne sont pas toutes au même niveau. La revalorisation salariale reste un objectif commun avec, si nécessaire, une refonte de la grille de salaires pour prendre en compte les évolutions professionnelles. Par ailleurs, la formation est indispensable pour s’adapter aux évolutions du marché ou des technologies et favorise la mobilité des salariés. Dans un secteur majoritairement composé de petites entreprises , l’accès à la formation professionnelle est un sujet d’avenir crucial. 

Secteur forestier : amélioration des conditions de travail et prévention des risques 

La sécurité au travail est un enjeu majeur dans le secteur forestier. Il est primordial de renforcer les mesures de prévention, comme la mise en place de plans de prévention personnalisés pour chaque entreprise et la formation régulière des travailleurs. Par ailleurs, le développement de nouvelles technologies ( mécanisation, automatisation ) et une meilleure organisation des chantiers améliore les conditions de travail et permet de réduire les risques d’accidents. 

La CFDT Agri-Agro propose un encadrement de la sous-traitance et une harmonisation des conditions de travail 

Le recours aux travailleurs détachés, surtout sur l’activité bûcheronnage, ne doit pas être un moyen de contourner les règles, ni d’abaisser les conditions d’emploi et de travail de tous. La CFDT revendique une égalité de traitement entre tous les travailleurs, nationaux et étrangers. La sous-traitance doit être bien encadrée ; cela nécessite un renforcement des moyens de l’inspection du travail également.  

Renforcer la filière forêt-bois : vers une valorisation locale et résiliente 

Filière forêt-bois : renforcer la cohésion entre les acteurs pour affronter les chocs 

L’accord de filière « Chêne », signé en 2022, met en évidence les enjeux de la filière forêt-bois française. Cet accord, bien qu’étant un exemple de collaboration entre les acteurs de la filière, souligne également ses fragilités. En effet, il a été mis en place pour remédier à une situation paradoxale : les grumes de chêne françaises étaient exportées alors que les scieries locales en manquaient. Cette situation, principalement due à une meilleure valorisation des grumes à l’export, illustre les défis économiques auxquels est confrontée la filière. 

Or, avec le dérèglement climatique, les aléas de marché se multiplient. Une meilleure organisation de la filière est indispensable afin de mieux gérer les bois accidentels et de s’adapter à des productions plus irrégulières en termes de volume et de qualité. De nouveaux enjeux apparaissent aussi avec les enjeux énergétiques et la question des matériaux (chimie verte). Le Comité stratégique de filière a besoin d’être renforcé. 

Valoriser localement la production forestière : un enjeu pour les territoires

Le constat est paradoxal : malgré un potentiel forestier important, la France affiche une balance commerciale bois déficitaire, tant au niveau national que régional. Cette situation s’explique par un manque d’organisation globale de la filière forêt-bois, couplé à de fortes disparités territoriales.

Pour inverser cette tendance, il est essentiel de favoriser la valorisation locale et d’augmenter la valeur ajoutée produite sur le territoire français. Le secteur des scieries illustre bien cette problématique : 20% des entreprises concentrent 80% de la production. Ces grandes scieries se spécialisent dans des produits techniques, reconquérant ainsi des parts de marché et contribuant à la relocalisation de la production. Les plus petites scieries, quant à elles, se positionnent sur des créneaux plus spécifiques. 

Pour la CFDT Agri-Agro, une politique de filière (forêt-bois) territorialisée apparaît donc comme une solution pour répartir plus équitablement la richesse et l’emploi. Et cela contribue à renforcer la résilience économique des territoires forestiers.

> Pour en savoir plus, consulter le site de la CFDT Agri-Agro